Dans son célèbre roman « L’alchimiste », Paulo Coelho écrivait « si vous écoutez votre cœur, vous savez précisément ce que vous avez à faire sur terre. » L’équipe d’Argot consacre quelques unes de ses lignes aux leaders associatifs de demain. Ces femmes et ces hommes qui ont pris la décision de s’engager dans les quartiers.
Inès Seddiki, c’est la leadeuse qu’on ne présente plus. Du New York Times à El Periódico, personne ne semble passer à côté de la place primordiale qu’elle occupe aujourd’hui dans les quartiers. Présidente et fondatrice de l’association Gett’Up, Inès a pour ambition de « lancer des ponts » entre Paris et l’autre côté du périphérique.
L’ADN de l’engagement
Née il y a 26 ans à Paris, Inès Seddiki n’est âgée que de quelques mois lorsque ses parents obtiennent une réponse positive pour s’installer dans un HLM à Sarcelles. « Je suis tellement fière d’être banlieusarde et Sarcelles m’a appris la vie donc tout va bien ».
À leur arrivée du Maroc, les parents d’Inès avaient créé à Sarcelles une association afin d’accompagner les personnes sans-papiers dans leurs démarches. « Ils n’étaient même pas encore Français eux-mêmes. » Entre le judo et le rugby, Inès épouse aussi le combat familial pour une société plus juste. « Je répondais au téléphone, je prenais les messages. Ils m’emmenaient aussi en manif. Je scandais des slogans que je ne comprenais même pas ! » Son ADN tient alors en trois mots « indignation, engagement, solidarité ».
From Seine-Saint-Denis to Philly
Inès poursuit sa scolarité en zone d’éducation prioritaire (ZEP) dans le Val-d’Oise jusqu’à l’obtention de sa prépa HEC à Sarcelles. En 2012, elle part pour Grenoble où elle est acceptée en école de commerce. « Comme tous ceux qui viennent de ZEP, je me suis mangée une énorme baffe sur les méthodes de travail, sur les exigences, la culture générale. » La jeune femme change de milieu et connaît la débrouille. « Je me posais un tas de questions autour du financement de mes études alors que je voyais mes camarades qui ne se la posaient même pas. »
En 2015, Inès décolle pour New York où elle réussit à obtenir le stage de ses rêves. « Je me suis installée à Harlem parce que ça correspondait à mon budget. Je me suis reconnue dans tout : la musique, les gens qui sortent leurs chaises à n’importe quelle heure pour jouer aux cartes, les bâtiments, les réflexes. » Sur place, elle découvre l’importance de la place donnée au développement personnel et à la confiance en soi. Elle nourrit alors la volonté d’importer les principes de « la mise en relation » en France.
Ghett-Up, la machine à revaloriser les quartiers
À son retour des États-Unis, Inès rencontre l’équipe du centre social de son quartier pour leur parler de son projet. L’idée leur plaît, les séances commencent et Ghett’Up naît fin 2016. Lors de séances Skype, les jeunes du quartier viennent parler « bouffe », musique ou politique avec d’autres jeunes de l’autre bout du monde. Philadelphie, Sao Paulo, Cape Town. « Au début, ils venaient soit tirés par les mamans, soit attirés par l’aspect américain et international. Puis au fur et à mesure, ils venaient tous seuls et ramenaient leurs potes. »
Un Skype en enchaînant un autre, de plus en plus de gens prennent part au projet. En décembre 2016, le premier afterwork est lancé. « On s’est rendu compte que toutes ces questions de confiance en soi, d’investissement, de réussite, d’ambition, c’est un sujet qui concerne les plus grands même s’ils sont insérés dans la vie active. »
Aujourd’hui, l’équipe de Ghett’Up est un peu plus grande qu’au lancement. « On a tous un pied dans un univers singulier (le journalisme, la finance, etc.) et l’autre pied dans l’association. C’est important pour moi de faire du Ghett’Up, mais que ma vie ne soit pas uniquement ça. » Une vie en tandem dont Inès a une vision très claire. « Dans 10 ans, je rêve que Ghett’Up soit la machine à revaloriser l’image des quartiers. »
Photos : João BOLAN