Dans son célèbre roman « L’alchimiste », Paulo Coelho écrivait « si vous écoutez votre cœur, vous savez précisément ce que vous avez à faire sur terre. » L’équipe d’Argot consacre quelques unes de ses lignes aux leaders associatifs de demain. Ces femmes et ces hommes qui ont pris la décision de s’engager dans les quartiers.
Nous retrouvons Pierre Tâm-Anh Le Khac dans un endroit qui « lui tient à cœur » : « Les Grands voisins » dans l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul du 14e arrondissement. Un choix d’arrondissement qui n’est peut-être pas un hasard puisqu’il y a vécu une grande partie de sa vie.
« Mon histoire commence bien avant ma naissance »
Né à Paris en 1991, Pierre Tâm-Anh a passé les premières années de sa vie dans le 19e. Ses parents, tous deux originaires du Viet Nam, sont arrivés en France en 1973 pendant la guerre du Viet Nam. À l’époque, ils sont à peine majeurs et débutent leurs études. « Ma construction et mon histoire commencent en réalité bien avant ma naissance ».
Après plusieurs stations intra-muros, Pierre Tâm-Anh et sa famille s’installent finalement dans le 14e arrondissement. Il entame le collège à Lavoisier, un établissement « privilégié ». « Ma mère avait de grandes ambitions pour nous. Je ne sais pas, c’est peut-être né d’une frustration dans son parcours à elle. » Il insiste également sur sa profonde reconnaissance envers sa mère. Arrive l’heure du lycée, de l’adolescence et des remises en questions qui l’accompagnent. À l’âge de 15 ans, Pierre Tâm-Anh commence à prendre du recul sur son « identité hybride franco-vietnamienne ». Il qualifie cette période d’interrogation de « schizophrénie identitaire ». C’est au même moment qu’il commence à s’investir dans la communauté franco-vietnamienne. Lorsqu’il entre au lycée, il part en camp de jeunes organisé par la communauté. « T’es juste dans un endroit où les gens te comprennent. » À travers ces expériences, il développe un sens aigu des responsabilités et prend conscience de sa volonté d’engagement. « Ces épisodes m’ont permis d’identifier mes causes. »
Hong Kong — Paris
En 2011, durant sa quatrième année en Sciences Politiques, Pierre Tâm-Anh revient d’une année d’échange universitaire à Hong Kong. « J’y suis allé avec beaucoup de certitudes. En fait, ça a été un choc culturel de dingue. Rencontrer les Hongkonguais, ça a été le miroir déformant de mon identité asiatique et ça m’a surtout permis de jauger mon échelle de valeurs asiatiques et occidentales. »
À 10 000 kilomètres de Paris, Pierre Tâm-Anh prend conscience de la diversité culturelle de sa ville. L’envie de mettre en valeur ses richesses naît. « En revenant, je me suis renseigné à Sciences Po. J’étais en quatrième année et des étudiants de deuxième année parlaient de lancer Noise. On s’est rendu compte que du bobo du 16e au banlieusard, tous kiffaient le hip-hop en soirée. » Au-delà du constat, le groupe met en évidence une frustration au niveau de l’offre culturelle. Le collectif organise une première conférence sur les 30 ans du Hip-Hop en France. L’amphithéâtre est rempli et officialise le lancement du mouvement. « On est passé progressivement d’une conférence organisée à trois chaque année. On a aussi les rendez-vous “apéros”, un festival et un média. »
« Le Hip-Hop, c’est un prétexte pour rassembler »
Concernant les projets futurs, Noise n’est pas en reste. L’équipe développe actuellement un projet transversal le long de la ligne du RER E. « Ce nouveau chapitre s’articule autour des trois activités principales de Noise : événementielle, médiatique et l’aspect d’accompagnement. » Fort d’un partenariat avec la SNCF, le but sera d’initier aux métiers de l’écriture, de la vidéo et du son dans Paris 19e, Pantin, Noisy-Le-Sec, Bondy, Clichy-Montfermeil et Gagny. « On lance un appel à candidatures fin septembre pour recruter 12 jeunes ».
Bien que Pierre Tâm-Anh ait quitté les bancs de l’école, il reste animé par sa volonté d’engagement aux côtés de Noise. « Plusieurs fois des gens m’ont avoué qu’à nos événements, ils avaient fait des rencontres improbables d’autres personnes qu’ils n’ont pas l’habitude de côtoyer. (…) Le hip-hop, c’est un prétexte pour rassembler. »
Photos : João Bolan