Nous nous sommes retrouvés nez-à-nez avec Cédric Dawny, délégué chargé de la jeunesse à la mairie du XVIIIème arrondissement de Paris. Son projet ? Créer un programme de télé-réalité à destination des entrepreneurs.
*Argot : Quelle est la genèse de ce projet ?
Cédric Dawny : J’ai travaillé pendant de nombreuses années aussi bien dans le milieu associatif que dans le milieu politique. J’ai été conseiller de Myriam El Khomri (lorsqu’elle était secrétaire d’État) et de Patrick Kanner (ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports). Puis j’ai tout quitté en janvier 2016, fort d’un constat : il faut centraliser l’information dans ce pays. Notre pays gagnerait énormément à mettre en cohérence ces différentes politiques. J’ai commencé à me lancer sur des projets qui étaient similaires et qui tournaient autour de la valorisation des jeunes, plus particulièrement des jeunes issus des quartiers.
Le fait de quitter ton poste auprès des décideurs ne relève-t-il pas plutôt d’un constat d’impuissance ?
Les personnes que j’ai pu côtoyer, notamment les ministres, ou du moins la question de leur efficacité, est liée, en gros, à la mise en application de leur parole. Sur la politique de la ville, la problématique est assez simple or vous avez un nombre d’intermédiaires qui est hallucinant. La question qui se pose dès lors est de savoir comment la voix d’un ministre peut-elle avoir de la portée. Je pense que la mise en portée de cette politique ne peut se faire que d’un point de vue local. C’est ce qui mine les collectivités et un certain nombre de personnes, c’est la juxtaposition des politiques… C’est un véritable mille-feuille. Tu as une multitude de propositions. Le problème peut-être de ne pas savoir où aller chercher cette information. Et c’est l’objet de mon projet : pouvoir concentrer en un point (la télé par exemple) l’ensemble des informations et la diffuser aux personnes de la même manière. L’égalité de l’information est pour moi primordiale.
Comment ton émission compte-t-elle s’organiser et se démarquer des émissions de télé-réalité un peu gadgets qui existent déjà ?
On va laisser la part belle à la responsabilité individuelle. Ce qui est intimement lié à la confiance que tu donnes aux personnes. Dans cette émission de divertissement pur et dur, 14 personnes vont s’affronter sur la base de leur jury respectif. Un format somme toute très classique. Il y aura des épreuves individuelles et collectives. Cette dernière notion est très importante dans la vie d’un entrepreneur. Seul, on peut aller beaucoup plus vite, mais c’est évident qu’ensemble on peut aller beaucoup plus loin. Un programme à mi-chemin entre le divertissement et l’information peut être quelque chose de probant. Pour cela, nous sommes en train de créer un comité scientifique d’experts en création et reprise d’entreprises – qui est un préalable à la constitution du jury. Ces personnes seront les garants de la qualité de ce programme, qui sera accompagné d’une plateforme numérique d’échange et d’accompagnement. Un Doctissimo de l’entreprise, en quelque sorte.
N’aurait-il pas été plus efficace de mettre en place cette émission lorsque tu travaillais avec le gouvernement ?
J’ai avant tout quitté le gouvernement parce que je suis un amoureux de la liberté. À un moment ou un autre, lorsque tu as une idée au sein d’un cabinet, il faut pouvoir convaincre le secrétaire d’État ou le ministre de son bien-fondé. Depuis que j’ai quitté ce cabinet, je n’ai à me référer auprès de personne pour justifier cette idée. Je la mets en place avec mon partenaire, David Elliott, fondateur de Bamyan Media, une société qui conçoit des programmes TV. Je n’ai donc aucun intermédiaire, on a notre vision et on a pas à la transformer en fonction d’un certain nombre de considérants. C’est la chose la plus important aujourd’hui. Je me retrouve avec ce projet : m’immiscer dans la peau d’un véritable entrepreneur.
D’où t’es venue l’idée d’importer ce projet qui existe déjà par ailleurs, notamment en Egypte?
C’est dû à une rencontre fortuite, dans un restaurant japonais. J’avais rendez-vous pour mener à bien une autre affaire, la personne m’a fait faux bond. Je me suis trouvé à côté de David Elliott. On a commencé à discuter de nos projets respectifs. Depuis, on s’est plus quitté.
Avais-tu déjà une expérience dans la production d’émissions ?
Quand j’étais petit j’avais deux rêves : faire de la politique et faire du cinéma.
C’est un peu la même chose, en soi…
Je suis d’accord avec toi, en politique on peut avoir de mauvais acteurs. Tout comme dans le cinéma, d’ailleurs.
Quelles sont les avancées depuis la conception du projet ?
La première étape était de pouvoir décrocher un distributeur, en l’occurence Banijay, qui est une boîte de production à la base spécialisée dans le divertissement et l’entertainment. La deuxième étape était de faire comprendre à un certain nombre de professionnels de l’écosystème des start-ups qu’ils allaient avoir une émission qui allait servir leur politique et qu’il fallait qu’ils soient en capacité de pouvoir l’accueillir. Il y ensuite toutes les fondations qui font de l’accompagnement. On sait que la plupart des jeunes entreprises ne meurent pas parce que l’idée est mauvaise, mais parce qu’elles sont soit mal accompagnées, soit pas accompagnées du tout.
Comment cette idée a-t-elle été accueillie par les différents partenaires que tu as sollicités ?
Super bien ! Ils se demandaient pourquoi ça n’a pas été pensé auparavant. On leur a précisé qu’il y a eu The Apprentice aux USA, dont la célébrité principale occupe désormais la Maison Blanche… On a également vu des tentatives avec des émissions qui étaient beaucoup moins centrées sur les organisateurs que sur les participants eux-mêmes. Aujourd’hui encore, la société française ne s’est pas fondée sur la prise d’initiatives. Et toute personne qui en prend est quelque part montrée du doigt. La réussite gêne toujours un peu. Le but de cette émission est justement de rechercher et de mettre en avant de nouveaux talents dont le pays ne peut désormais plus se passer s’il souhaite avancer. Ce programme a vocation d’être la vitrine de tout ceux qui entreprennent aujourd’hui en France.
Photos : João Bolan