Avec son blaze sur Google, les mots « millionaire » et « fortune » ne sont jamais bien loin. Entre mythe et réalité, Dawala le boss du WATI B (label à l’origine des succès de Maître GIMS ou de Black M) s’est livré à nos questions.
Dawala, tu as passé une partie de ton enfance au Mali, qu’est ce qui t’a marqué à ton arrivée en France ?
Le froid déjà, car j’étais en boubou quand je suis arrivé à Charles de Gaule. On ne connaissait pas les blousons. Ensuite, voir des blancs, car dans mon village il n’y en avait pas, à part lors du rallye Paris-Dakar. C’est des faits marquants qui restent gravés ! J’étais avec mon grand frère et le jour de notre arrivée, on est sorti l’après-midi. Quand on voyait des blancs, on n’arrêtait pas de dire « Toubabou Toubabou » comme dans les films. On se cachait derrière les voitures, on avait peur qu’ils nous prennent. C’est bizarre hein comme idée !? J’avais 11 ans quand on est arrivé à Barbès, rue Deaudeville. Ensuite on a déménagé dans le 19e à Danube (le Quartier de la patte d’Oie dit « Briques Rouges »).
Aujourd’hui tu es connu dans le monde de la musique en tant que producteur, pourquoi ne pas t’être lancé dans le rap comme la plupart des jeunes ?
À la base, c’était pour aider les jeunes de mon quartier. Pendant toute mon enfance à Nioro (ville du Mali dans la région de Kayes à proximité de la frontière mauritanienne), j’ai toujours pratiqué le football. On jouait avec tout pour remplacer le ballon: des éponges, des vêtements. Quand je suis arrivé en France, mes intérêts se sont centrés sur la musique. Au final, ce sont deux domaines qui représentent des vecteurs : tu n’as pas besoin de parler la même langue. Le ballon comme la musique parle de lui même, pour savoir dribbler ou faire des passes, c’est un langage automatique. À l’époque, j’étais animateur sportif pour la ville de Paris et les petits du 19e m’ont dit qu’ils aimeraient bien faire des chansons. En venant de quartiers populaires, en plus des familles nombreuses, je me suis rendu compte que je ne connaissais pas mal de monde. J’avais Oxmo Pucinno comme voisin, certains membres de la Mafia K’1fry également. C’est à ce moment-là qu’on a lancé P.S.G (Pur son Ghetto), j’étais déjà un pur supporter du Paris Saint Germains, et ça avant les Quataris ! (rires).
Tu as été initiateur de plusieurs événements : la Nuit du Mali, le forum de l’immobilier malien. Aujourd’hui, en tant que jeune ayant passé une grande partie de ta vie en France, qu’est-ce qui te pousse à avoir cet engagement envers la communauté malienne ?
Quand t’as une double culture, tu connais parfois le côté défavorisé : c’est un peu plus la misère, c’est un peu plus difficile. C’est normal d’avoir le coeur sur la main. On va plus être enclin à aider. Et aujourd’hui je pense que le Mali a besoin d’aide. Le Mali m’a rendu beaucoup de service par rapport à la personne que je suis aujourd’hui. Mais je suis aussi français parce que j’ai grandi ici, j’ai fait l’armée ici, toutes mes tâches je les ai remplies. Qu’est-ce que je pourrais offrir de plus aujourd’hui à la France qu’elle n’a pas déjà ?
Nous, on a créé des événements pour sensibiliser, dans une logique de pédagogie. C’est notre travail. Aujourd’hui quand tu vois qu’il y a des gens qui traversent le désert, la Méditerranée au péril de leur vie, on se doit d’expliquer comment fonctionne la France. Ce n’est pas uniquement ce que tu vois à la télévision. Tu dois avoir des papiers, un travail. C’est un travail de sensibilisation.
Comment t’expliques ta longévité dans le business ?
On est 4X4 tout terrain. On diversifie les activités. On fait du textile, le Wati sport, on signe des humoristes. Et puis, j’ai la chance d’être entouré par une équipe derrière. Je m’entoure, je me diversifie.
T’as fait 30 ans de football, l’armée et t’as fait partie de l’équipe de France militaire. Du coup il y a une qualité qui est intrinsèque au football et à l’armée, c’est la rigueur. Est-ce que tu penses que cette rigueur elle te sert dans ton business ?
Elle me sert et elle m’a servie. Quand j’arrive à l’armée, j’ai à peine 18 ans. On était une cinquantaine à vouloir faire partie de l’équipe. Y’avait que trois engagés qui pouvaient être sélectionnés et j’ai eu la chance de faire partie des trois. C’est cool parce qu’il y a des déplacements, la coupe militaire. J’étais le seul renoi dans l’équipe et quand on jouait contre d’autres équipes, ils me cisaillaient. J’ai appris qu’une fois qu’on est uni, on peut gagner tous les matchs. J’ai joué à tous les postes (à l’image de ces activités).
À propos de récupération de ballon, avec l’ère des réseaux sociaux tout le monde peut se faire connaître. Comment tu fais pour avoir cette avance dans la détection de nouveaux talents?
Je vois ça comme au foot : les petits jeunes qui arrivent, tu vois leur compétence, tu te dis que plus vieux, ils seront excellents. C’est pareil avec les artistes, ils prennent de l’expérience, ils progressent, ils ont l’envie.
T’es un « business man » et c’est le quotidien d’avoir des litiges avec des collaborateurs. Celui qui a le plus fait parler de lui c’est celui avec Maître Gims. Quel conseil peux-tu donner à un entrepreneur pour prévenir ce genre de litige ?
Je suis en train d’écrire un livre qui répondra à toutes ces questions. Le linge sale se lave en famille. Je n’en veux à personne. C’est chacun avec sa propre conscience. Quand t’es capitaine d’un bateau, certains sont contents d’autres pas.
Un événement marquant de ta carrière ?
La première fois que t’entends ton son à la radio.
Si tu devais partager un Grec avec une personne, morte ou vivante, ça serait qui ?
Avec mon père, qui m’a beaucoup appris. J’ai envie de dire aux jeunes par rapport aux parents, n’oubliez pas d’aller les voir. On est sans cesse en train de courir après la réussite, pour payer les impôts et la voiture, quand tes parents sont partis, c’est trop tard pour dire l’important. Quand on a fait notre premier Bercy, je n’ai pas pris la peine d’appeler mon père. C’est un regret.
Photos : João BOLAN