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Les gens dans le milieu l’appellent le Daft Punk de la cuisine. Le chef se fait rare dans la salle de service de son restaurant à Aulnay-sous-Bois. Il préfère rester à sa place : aux fourneaux. Il est loin le cliché du restaurateur étoilé bedonnant défilant fièrement devant ses clients. Lorsqu’il se balade en ville, il visse sa casquette jaune sur son crâne et passe incognito sur les marchés pendant qu’il observe les étals. Pourtant, Jean-Claude Cahagnet est la star d’Aulnay-sous-Bois, mais aussi du département. Arrivé en 1997 dans son restaurant baptisé « L’auberge des Saint-Pères », l’aventurier culinaire fait le pari de réussir dans un quartier ni touristique ni doté de grandes tables. Avec des menus à petit prix (entre 40 et 80 €) pour un restaurant gastronomique, sa cuisine a su séduire le palet des Aulnaysiens puis de la France entière. En 2004, il se voit décerner une étoile Michelin, la première et la seule du 93.

« C’est bon pour l’espadon de trente kilos ? Et t’as combien de merlus de ligne ? » demande Jean-Claude Cahagnet au téléphone, téléphone qui ne cesse de sonner. Sur tous les fronts, le restaurateur de 52 ans n’arrête jamais. Aujourd’hui, il peaufine avec son équipe son tout nouveau menu qui doit sortir le lendemain. Au programme : bonbons de foie gras ébouillantés par une crème de potimarron, orange, citronnelle et poire de terre en guise d’entrée, suprême de pintade fermière avec son velouté de topinambour, comté et spinata ou encore éclair très gourmand avec une mousseline, un caramel au beurre demi-sel et à l’ananas. Le chef ne veut pas faire dans le classique. Tous les deux mois, il renouvelle sa carte pour satisfaire sa clientèle et surtout continuer à se défier.

C’est par hasard qu’il s’est retrouvé à Aulnay-sous-Bois, ville de la petite couronne, avec laquelle il n’avait aucune attache. À à peine 30 ans, il décide de plaquer ses grands maîtres cuisiniers pour devenir son propre patron. Seulement un choix stratégique au départ, le 93 est devenu son refuge.

Depuis plusieurs années, l’homme participe à de nombreuses initiatives organisées par des associations ou des mairies. « L’année dernière, j’ai participé à un jury culinaire « Les Femmes du monde » à Aulnay, le niveau était super haut, c’était juste magique », s’exclame-t-il avant d’éclater de rire bruyamment. Les yeux de Jean-Claude Cahagnet s’illuminent quand il se remémore ses engagements. Des anecdotes ? Il en a des dizaines sous la main. « Les gens n’ont pas conscience de l’impact de ces rencontres », affirme le toqué du 93. Il se souvient tout particulièrement d’un cours dans un collège avec « la fameuse classe à problème ». Il ne se laisse pas démonter, cette force tranquille impose le respect sans hausser le ton. Macarons, marquis de chocolat, aucun n’a rechigné à la tâche. « Vers la fin, un gamin tout maigrelet vient me voir et me confie qu’il veut être comme moi plus tard. Non, non, pas cuisinier mais être respecté. Je lui ai répondu qu’il devait se trouver un pôle d’intérêt et ne jamais le lâcher. Une fois passionné, on est tellement sincère que les gens nous respectent. Ce déplacement compte même si ce n’est que pour une personne » raconte-t-il.

À Aulnay-sous-Bois, les fast-foods et autres repères de malbouffe fleurissent plus vite que les grandes tables. Pour autant, le chef ne les voit pas comme son ennemi. : « Je suis pour le McDo. Quand on était jeunes, personne n’allait au restaurant avant ses 25 ans, sauf si on venait d’un certain milieu. Maintenant, j’ai plein de gosses qui viennent manger dans mon restaurant. Ils prennent le menu le moins cher, sans vin ni apéritif, ils vont à l’essentiel. On les sent super mal à l’aise, mais c’est à cette table que je vais porter le plus d’attention. Ils ont le courage de passer la porte d’un restaurant où ils vont être serrés du cul ». Malgré sa médiatisation, Jean-Claude Cahagnet a su rester simple. Son étoile, ses déplacements et sa cuisine dans le 93 c’est tout ce qu’il demande pour la suite.

Photos : João BOLAN