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Lorsqu’en 2005, Nadine Gonzalez s’envole pour 10 jours au Brésil, elle est loin de se douter qu’elle y passera 12 ans. Journaliste de mode à l’époque, elle laisse sa vie française derrière elle et commence à s’investir dans la très connue Cité de Dieu, favela de Rio de Janeiro qui a donné son nom au film de Fernando Meirelles et Kátia Lund.

Dans un premier temps, elle monte une association, « Moda Fusion », pour promouvoir les talents féminins de la mode issus de ces quartiers. Elle vend d’ailleurs une des collections en exclusivité chez Colette. « L’acheteuse ne voulait pas trop qu’on parle du “made in favelas”, mais elle a adoré le style. » En parallèle, elle retourne à la pratique du journalisme pour Arte. « Y’avait à l’époque le programme de Lula pour pacifier les favelas, j’y avais mes entrées grâce au travail social que j’y faisais donc j’étais un contact privilégié. »

En juin 2013, l’engagement lui manque. Elle tient à développer son association et décide alors de fonder une école de mode à Vidigal, favela « boboïsée » accrochée à une colline surplombant les plages de Leblon et d’Ipanema. Casa Geração y voit le jour. « 3 ans plus tard, en 2016, c’est la consécration. On a été invité à la “São Paulo Fashion Week” et 100 % des élèves de l’école ont été pris. »

Sauf que depuis les attentats de Paris en novembre 2015, entre le Brésil et la France, le cœur de Nadine balance. Elle se dit qu’elle a envie de jouer un rôle pour son pays. Aussi rapidement que 12 ans auparavant, elle réserve un aller simple. « Personne ne pensait que j’allais rentrer définitivement en France. » Elle pose ses valises en Seine-Saint-Denis. « Pourquoi le 93 ? Je ne connaissais pas du tout les banlieues. Je suis originaire de Lyon, je suis arrivée à Paris à l’âge de 16 ans et honnêtement quand on vit à Paris on ne va pas forcément en banlieues. J’ai fait une analyse et je cherchais celle qui avait le plus de points communs avec les favelas. Le 93 : département le plus jeune et métissé de France avec 135 nationalités. Le plus fort taux de déscolarisés et de chômage. »

Elle duplique alors l’école Casa Geração. En pleine recherche de locaux, l’hôtel MOB ouvert en mars à Saint-Ouen lui propose une salle avec des horaires aménagés. « C’est Cyril Aouizerate, ex-fondateur des Mama Shelter, qui a imaginé ce concept d’hôtel boutique. Il a l’ambition de créer des lieux de vie en proche périphérie. Je lui ai pitché le projet et il m’a dit “banco, c’est bon.” » Dans l’équipe, Nadine ne s’est entourée que des gens qu’elle connaît qui croient en elle et au projet. Mogany qui donne d’ailleurs cours ce soir-là de création stylisme, avait enseigné au Brésil. Monia Sbouaï de la marque Super Marché a également pris part à la team d’encadrants. En août, après une série de journées portes ouvertes, une cinquantaine de candidatures sont déposées dans laquelle Nadine et son équipe ont sélectionné 20 profils.

Le programme de l’année pilote est déjà bien carré. « 3 mois de prépa ou c’est essentiellement du développement personnel, ils travaillent pour la mode de demain pas celle d’aujourd’hui donc il faut qu’ils soient un minimum engagés. Au bout des trois mois, on en a choisi 13 capables de travailler ensemble parce qu’ils bossent sur une collection collective. » Les étudiants, 10 filles et 3 garçons, tous issus de Seine-Saint-Denis ou de quartiers prioritaires de la ville, enchaînent ensuite avec 6 mois de cours intensifs (du cinéma à l’écriture mode en passant par la broderie) puis 6 mois d’accompagnement professionnel, qu’ils choisissent la voie des études ou du monde du travail. Comme Mohamed par exemple, qui a une idée bien précise. Sportif et créatif à la fois, il est en train de développer un vestiaire pour les footballeurs pour mettre en avant de jeunes créateurs plutôt que de grandes maisons.

Le projet porte déjà ses fruits et fait parler de lui, dans la presse, mais également auprès de marques très connues. « On vient de signer un partenariat avec Nike pour une collection limitée de sneakers femme. On va réaliser tout le styling du défilé qui a lieu le 23 février. » Lorsqu’elle nous glisse que « les journées sont longues et bien remplies », elle ponctue « je ne suis pas mariée, je n’ai pas d’enfant. Ça là, c’est mon projet de vie. Et c’est pour le meilleur et pour le pire croyez-moi (rires). »

 

Photos : João Bolan