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Nous sommes le 29 août 2017, le magazine CAPITAL consacre un article à la relève du digital à la française. Pour illustrer son article, le journaliste convoque plusieurs personnalités emblématiques du milieu. Seul problème : le casting, exclusivement constitué d’hommes blancs, pose question.

Il n’en faut pas plus pour mettre le feu aux poudres et amplifier le sentiment de sous représentation qui anime profondément les minorités. La réponse ne se fait pas attendre. Quelques jours plus tard, plusieurs entrepreneuses emblématiques de la « Tech » française se réunissent pour réaliser un autre cliché en se réappropriant les codes vestimentaires arborés par les hommes, chemise blanche et jean marine afin de revendiquer leur désir de parité. 

Partant d’une intention louable, la photo 100 % féminine apparaît cependant tristement homogène et révélatrice d’un problème plus large : celui de la diversité sociale dans le monde du digital. Tout ceci nous amène à la question suivante : les bouleversements engendrés par l’économie numérique ont-ils permis de redistribuer les cartes ? Les principaux freins à l’initiative économique dans les quartiers sont à coup sûr, l’autocensure, le manque d’accompagnement et la difficulté à trouver des financements. Trois symptômes qui à l’épreuve des bouleversements liés à l’économie digitale sont amenés à évoluer.

L’autocensure

La plupart des modèles de réussite issus de la diversité et/ou des quartiers mis en avant dans les médias sont des artistes ou des sportifs. Les entrepreneurs ayant réussi dans le milieu des affaires et en particulier du numérique demeurent très peu visibles. Un constat bien triste lorsque l’on connaît l’importance du processus d’identification dans la construction du projet professionnel chez les jeunes.

La photo du magazine Capital constitue sans doute la meilleure illustration de ce phénomène. Quid de Raodath Aminou, cofondatrice de l’application Optimiam, de Malik Batsi (créateur de Yoola) ou même de Rania Belkahia à l’origine de la plateforme Afrimarket ? 

Le manque d’accompagnement

Les pépinières d’entreprises se multiplient. L’Ile-de-France, à elle seule, compte déjà plus de quarante incubateurs. Cependant, certaines structures, d’avantages axées sur l’accompagnement des projets dans les quartiers et la diversité entrepreneuriale, restent très peu connues des publics concernés, à l’image de la MIEL située à La Courneuve, de Bond’innov (Bondy) et Paris Pionnières… Selon Sylvie Bardet, directrice de la MIEL « La demande est importante, mais les métiers du numérique restent très peu connus, nous avons près de 400 candidatures chaque année, la plupart des entrepreneurs souhaitent créer leur propre emploi. Il y a énormément de projets dans la restauration ou dans le transport. Mais que savent-ils vraiment du numérique ? On souhaite accentuer les actions avec les jeunes entrepreneurs, d’ateliers thématiques “Refonte ou création de sites internet” ou “Filmer comme un pro avec son smartphone”. »

 L’État semble également se pencher sur la question. En effet, La French Tech (programme porté par le ministère de l’économie et des finances destiné à promouvoir les startups françaises) a récemment couronné les lauréats d’un grand concours visant à accompagner 35 porteurs de projets issus de la diversité. « Le numérique et l’entrepreneuriat sont très certainement de vrais leviers d’ascension sociale. L’ouverture sur le monde, le pragmatisme économique et la culture d’innovation sont autant d’éléments qu’on retrouve dans les quartiers populaires et s’expriment grâce au numérique. L’expérimentation en Ile-de-France du programme French Tech Diversité visait des projets ou des startups numériques et nous avons recueilli plus de 270 candidatures et plus d’un tiers résident dans les quartiers Prioritaires de la Politique de la Ville. La preuve, s’il en fallait, que les entrepreneurs des quartiers dits ‘populaires’ sont talentueux et créent des entreprises dans le numérique. La multiplication d’initiatives telles que Startup banlieue ou Startupper Academy à Sevran sont autant d’initiatives qui démontrent le dynamisme des quartiers populaires et susciteront sans aucun doute des vocations. » Affirme Salima Maloufi en charge du projet. Xavier Niel, figure omniprésente du numérique à la française, semble lui aussi prendre la mesure des enjeux liés à la diversité dans le développement du digital. Ainsi, la toute récente Station F a mis au point un programme destiné aux entrepreneurs boursiers (Fighters program).

Le financement

Autre spécificité propre au digital, la fin de la toute-puissance du banquier, généralement peu enclin à accorder des prêts aux personnes qui ne présentent pas “les garanties nécessaires”. Les nouveaux pourvoyeurs de fonds se nomment Xange private equity, 50 partners, Impact Partners ou sont parfois eux-mêmes des entrepreneurs confirmés et n’hésitent pas à financer les projets qu’ils jugent prometteurs. Selon Jihane Herizi, coorganisatrice du Startup banlieue « Les barrières à l’entrée de l’entrepreneuriat ont été réduites par le numérique ».

Voltaire écrivait déjà dans ses Lettres philosophiques, publiée en 1734 : « Entrez dans la bourse de Londres… là le juif, le mahométan et le chrétien traitent l’un avec l’autre comme s’ils étaient de la même religion, et ne donnent le nom d’infidèles qu’à ceux qui font banqueroute. »

Photos : Lance Laurence