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« Paki », « Hindou », « Sud asiat’ », « Poundé », nombreux sont ceux qui s’essayent à des identifications hasardeuses. Entre les 10e et 18e arrondissements de Paris, au cœur du quartier de La Chapelle, vit une communauté méconnue du grand public. Nous avons cherché à comprendre quels sont ces hommes et ces femmes discrets qui vivent derrière les façades de ces maisons et les vitrines de ces échoppes. Rencontre avec la communauté tamoule sri lankaise française.

Les Tamouls désignent un peuple originaire de l’Inde et du Sri Lanka parlant la langue du même nom. La population est principalement hindoue, mais comporte également des minorités chrétiennes et musulmanes. Dans les années 1970, le Sri Lanka voit l’émergence d’une guerre civile. Les Cinghalais bouddhistes majoritaires s’opposent à la minorité représentée par le groupe indépendantiste des Tigres tamouls (LTTE), qualifié d’organisation terroriste par les États-Unis, le Canada, l’Inde et le Royaume-Uni. Le conflit qui durera de 1972 à 2009 se solde par un total de 100 000 victimes selon les estimations de l’ONU.

Lors des offensives militaires sanglantes à la fin de la guerre, on observe dans l’Hexagone une forte augmentation de demandes d’asiles (+33 % comparé à l’année précédente). Les échoppes de nourriture, les restaurants, les magasins de tissus, de bijoux, fleurissent. En 2010, le chercheur Anthony Goreau-Ponceaud recense 178 commerces dits ethniques.

Néanmoins, en ce 27 novembre, « Journée des Héros » pour la communauté (appelée Maaveerar Naal), les commerces de la rue du Faubourg Saint Denis sont presque déserts à quelques exceptions près. Les volets sont clos, mais ornés de ballons et guirlandes de papier aux couleurs tamoules rouges et jaunes. Impossible de rater les dizaines d’affiches qui habillent chaque devanture : un homme moustachu y brandit une torche enflammée pour la déposer dans une coupole. Il s’agit de Velupillai Prabhakaran, ex-dirigeant des LTTE, officiellement décédé en 2009.

C’est donc aux portes de Paris que tout le monde se rue, à la Plaine-saint-Denis. Un temple d’hommage aux soldats tombés aux combats d’un côté, une salle de 3000 places de l’autre : l’événement parisien organisé par le comité de coordination tamoul (CCT) fait office de « journée de deuil nationale » dans le monde entier. Lors d’un moment de recueillement, les Sri Lankais présents défilent devant les portraits des hommes et des femmes tombées au combat. Nindulan, 19 ans, s’exclame « Pensez-vous vraiment que des terroristes organiseraient un moment de paix comme celui-ci ? »

Le sentiment d’injustice est palpable. Le sentiment d’être oubliés aussi. « Personne ne parle de nous dans la presse. » confie une jeune dame qui préfère rester anonyme. Huit ans après la fin de la guerre civile, la communauté implore toujours l’Organisation des Nations unies de respecter ses engagements publiés à Genève en 2015. 

Photos : João Bolan