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À 26 ans, Tarik est devenu en quelques années l’étoile montante de la prod du rap US en France. Artisan de l’ombre des sons de Rick Ross et Lil Wayne, ce jeune aulnaysien, pianiste classique de formation, a réalisé son rêve de gosse.  

C’est dans l’élégante maison familiale au style épuré, dans un quartier pavillonnaire d’Aulnay-Sous-Bois (93), que Tarik nous reçoit pour un entretien sans concessions. Dans son immense sous-sol réaménagé en studio artisanal, le jeune compositeur, au look monochrome arborant une chaîne clinquante, finit consciencieusement sa composition sur un acapella de Meek Mill. Sous un large sourire, il lance : « Désolé, je devais finir un truc ».

Ce bousillé de Rick Ross et de Rachmaninov respire la musique depuis qu’il a 12 ans : « J’ai fait une école de musique, j’ai une formation classique, je voulais être pianiste à la base ». Un soir, sur YouTube, naît sa véritable vocation.  Une vidéo du célèbre compositeur de musique de films Hans Zimmer le bouleverse : « Quand il parlait de musique, je me reconnaissais tellement ! Je me suis dit que j’allais en faire mon métier ».

Né à Livry-Gargan, d’un père électricien et d’une mère commerçante, il effectue une scolarité classique entre Bondy et Livry. Bon élève et boute-en-train, après une année de classe préparatoire à l’ENS, il opte, sans grand enthousiasme, pour la filière Administration et Échanges Internationaux (AEI)  à l’Université, à Paris 12 Créteil. « Je ne voulais pas rendre oufs mes parents, du coup je suis allé jusqu’à la maîtrise ». En parallèle de ses études, le jeune prodige ne lâche jamais son premier amour : son clavier. « Je faisais 4 à 5 heures par jour de piano et j’écoutais beaucoup de rap américain. Les deux univers du classique et du rap m’emportent ». En 2010, sur les bancs de la fac, il fait une riche rencontre musicale, avec un dénommé Pils : « Pils était passionné par la composition d’instru, on était sur la même longueur d’onde. Tous les soirs de la semaine, je dînais chez lui et on passait des nuits entières à bosser dans son studio. Je prenais le métro de 6h tous les matins pour rentrer chez moi. Je rentrais à l’heure où mon père sortait pour aller au boulot ».

Quitte à sacrifier toute vie sociale. « Rien d’autre ne m’intéressait. Je m’enfermais et je faisais ça 6 à 7 heures par jour. Même quand j’allais chez mes potes d’enfance à deux pas de chez moi,  ils jouaient à FIFA et je me posais sur l’ordi pour chercher des sons ». Deux ans plus tard, la composition n’est plus une passion effrénée, elle vire à « l’obsession » : « C’est pas mon délire d’avoir des fausses passions mais quand je taffais moins ma musique, je culpabilisais. J’ai fini par investir dans 2000 euros de matos : un clavier maître et un Mac logic pro ».

En 2012, Tarik ouvre les portes de l’école d’ingénieur du son de Saint-Denis. Là-bas, une opportunité en or s’offre à lui : « J’ai pu ramener des artistes et exercer en studio. J’ai énormément appris niveau technique et à côté, je continuais à bosser mes instrus ».

« Ce qui m’a fait décoller du spleen de l’enfer, c’est les réseaux sociaux »

Pour le jeune créateur de beats, tout décolle avec les réseaux sociaux et une bonne dose de culot. Vif, il a compris que le rap s’est affranchi des majors et que tout se passe désormais sur le Net. Dès 2012, il traîne sur Twitter et envoie des beats à tous les producteurs les plus renommés outre-Atlantique : « J’’allais sur Twitter, je tapais ‘sent beats’ dans la barre de recherche et j’envoyais mes instru en messages privés à des tronches de la production comme Lee Major. Deux semaines après il m’a répondu favorablement et m’a donné l’opportunité de faire toute la mixtape d’Oliver Luck, un jeune rappeur de Virginie ».

Ce premier pas dans le monde du rap lui donne des ailes. En avril 2014, il découvre une pépite : Blazetrack, un réseau social américain qui permet de contacter des professionnels de l’industrie hip hop moyennant finance : « Tu payes 60 euros et tu envoies des instrus ». Sur ce réseau, il y rencontre son futur manager, Streetrunner, un poids lourd de la production  aux US : « Je lui ai envoyé mes sons, lui qui était dans le game depuis dix ans. Il a adoré mes instrus et m’a demandé qu’on bosse ensemble à distance. Il avait déjà produit Fat Joe, Lil Wayne, Rick Ross ou Eminem ».

Le jeune bougre en veut. Non rassasié de cette collaboration par intermittence, en octobre 2014, il prend un vol pour Miami sur un coup de tête : « Je connaissais un pote sur place mais j’avais un plan en tête. Il y avait Street Runner et je voulais le rencontrer en chair et en os et lui montrer le meilleur de moi-même.  On s’est vus, on a bossé ensemble non-stop pendant deux mois. Je voulais me rendre indispensable ». Cette rencontre sonne le glas de la période nébuleuse : quelques mois après, il compose son premier gros titre pour le Free Weezy album de Lil Wayne.

Aujourd’hui, le premier producteur frenchie du pays de l’Oncle Sam produit les gros poids lourds du rap US : The Game, Dj Khaled, Meek Mill, Rick Ross mais aussi Fat Joe, Benny Sigal et John Legend.

(Blessed Up, titre du rappeur Meek Mill dont Tarik Azzouz a assuré la production)

Derrière ses grands yeux noirs rieurs, il concède : « Ce qui m’a fait décoller du spleen de l’enfer, c’est les réseaux sociaux. Sans ça, je n’aurais jamais décollé, j’aurais composé dans ma chambre longtemps ».

Quid des gamins qui rappent dans leur chambre et rêvent d’en faire un métier ? « Je pense qu’il faut être bon. Après, tu as aussi ceux qui arrivent à se créer un réseau et qui gèrent bien le self-branding alors qu’ils sont pas oufs musicalement. Mais l’originalité, ça paie aussi. PNL ils sont arrivés avec des sonorités très différentes et en plus, ce qui a été hyper bénéfique, c’était leurs clips, d’une esthétique incroyable, avec des superbes panoramas, sortis du cliché bouteilles, gros culs. Ils ont suscité l’intérêt ».

Constat : une jeune carrière brillante bien loin de l’Hexagone. « J’aime le rap français mais ça s’est fait naturellement, le rapprochement avec les USA. Mes sonorités sont plus américaines. Le calcul c’était : ‘je vais essayer de péter un truc aux USA et en France, ça va les rendre dingues » lâche-t-il avec assurance. En juillet dernier, repéré par Mehdi Guebli, directeur artistique, Tarik a signé chez Universal, une belle entrée dans la production française : « J’ai commencé à bosser avec Kery James, Youssoupha mais j’aimerais aussi bosser avec des gens pas connus qui ont du talent ».

En bon self-made-man, il insiste : « Personne ne m’a pris par la main, j’ai bossé comme un fou, j’ai créé mon réseau à partir de rien, je suis le fils de personne ».

Aulnay-Sous-Bois : à la vie, à la mort 

Avec un panel de bijoux musicaux à son actif, digne des plus grands, Tarik a fait ses preuves. Confiant, il songe à l’avenir créer son propre label et à faire monter « les petits talentueux de son quartier qui font des instrus : les gars on vient du même endroit, on fait du basket ensemble, je leur donne des conseils et je veux leur faire partager le réseau que j’ai tissé durement. Si je peux les aider un jour, je n’hésiterai pas une seule seconde ».

La tendresse qu’il a pour sa ville de résidence est inébranlable. Il vit toujours chez ses parents et souhaite à terme racheter la grande maison familiale : « Ici, il y a une ambiance familiale, j’ai tous mes repères, toutes mes attaches. Tout le monde me dit que Miami c’est génial mais il n’y a qu’ici que je me sens bien, que je me sens chez moi. Il n y a  aucune animosité, on ne se prend pas de haut et surtout on ne se prend pas au sérieux ».

À l’horizon, un destin radieux se profile donc pour lui. « Finir mes jours millionnaire à Aulnay  », envisage-t-il en éclatant de rire.

Myriam Boukhobza