Wassim Chelfi est un ancien ingénieur. En 2014, il troque le code binaire pour un marteau et lance Upcycly, une entreprise sociale et solidaire qui transforme des palettes de bois en meubles : rencontre.
Après un premier rendez-vous pris fin juillet, notre rencontre avec Wassim se produit finalement un mois plus tard. Et pour cause : l’été pour Wassim et ses 17 collaborateurs n’est pas synonyme de coquillages et crustacés. Pendant que les bureaux d’entreprises sont plus ou moins déserts, Upcycly s’y active pour installer le mobilier qui va enchanter votre lieu de travail. Plantes vertes, bancs en bois recyclé, balançoires, les idées ne manquent pas. Mais avant d’avoir les épaules pour accompagner une trentaine de projets en Île-de-France, le projet d’Upcycly est passé par un certain nombre d’évolutions.
Le père d’Upcycly, Wassim, est né il y a 38 ans à Fès. Dans son travail, il a toujours donné une grande place à la transmission du savoir à l’image de son enfance. Petit, il est marqué par son oncle menuisier et son grand père jardinier. « Quand je passais dans l’atelier de mon oncle, j’aimais l’odeur, le toucher et la chaleur. » À 18 ans, il s’envole pour le Havre où il passe une partie de son cursus en informatique. « J’étais étudiant étranger, travaillant à côté. J’essayais de découvrir et de comprendre la société française. Je voulais apporter quelque chose, avec ma vision, malgré les contraintes que je connaissais. » Destination suivante : Paris ou le jeune Wassim finit ses études, s’installe à Montreuil et fonde une famille.
À l’époque, le trentenaire dynamique travaille comme consultant en informatique à Paris et coule des jours heureux avec sa femme et ses 2 enfants. Un jour en sortant de la station de métro Croix de Chavaux, il tombe sur des palettes de bois entreposées à quelques mètres de personnes sans-abri. Le déclic se produit aussitôt dans sa tête. Pendant plusieurs mois, il va mettre en place son projet sous forme d’association qu’il appelle alors « Récupcréa ». Le but : créer du lien social autour de la végétalisation de la ville, du recyclage, afin de « contrebalancer le béton ». Il récupère des palettes de bois après le marché, les démonte, et en fait la matière première de ses ateliers de fabrication de bac à fleurs, composteurs, cadres végétaux. Très vite, le projet intéresse la mairie. On lui prête un local, des associations du coin l’invitent pour animer des ateliers. L’aventure est lancée ! Récupcréa prend alors de plus en plus de place dans la vie de Wassim. « J’étais à du 200 %. Je ne voulais pas juste me lancer dans l’entrepreneuriat. Je voulais un projet qui véhicule du sens, qui ait de l’impact pour changer le monde. »
En janvier 2015, Wassim intègre la pépinière d’entreprises Sensespace créée par Maker Space dans le 11e arrondissement de Paris. Il lance officiellement son entreprise Upcycly qui a l’ambition d’organiser les espaces communs (cuisine, bureaux, etc.). Wassim se charge de les imaginer et de les construire avec son équipe. C’est l’occasion pour eux de mettre en place le protocole de collaboration avec les entreprises : échange d’idées avec les usagers du lieu, modélisation numérique en réalité virtuelle et construction en atelier. S’ensuit un ballet d’aller-retour pour faire des ajustements. Quand le projet est validé, les upcycleurs découpent et fabriquent les pièces détachées des installations. Les salariés sont invités au bureau pour monter les meubles lors d’un atelier participatif.
Il puise aujourd’hui sa première source d’inspiration dans l’innovation Jugaad. « C’est un bouquin qui compile les initiatives d’entrepreneurs du tiers-monde sans le sou, qui ont chamboulés des pends entier de l’économie sans aucun moyen. » Explique Wassim avant d’ajouter « Tout ça m’inspire ! On est en train de sortir des sillons de la recherche et du développement pour partir sur des innovations plus terre à terre, loin du tout technique ». Finis le métro, boulot, dodo : place au grand air ! Wassim revendique une vie « à 360 degrés en termes de contact humain, de connaissance, de perspectives et de projets ». Pour ça, il organise depuis les premiers pas de l’entreprise des ateliers de fabrication de meubles. Le public répond présent. « Certains disent d’emblée « moi je ne sais rien faire de mes mains ». On commence par scier, visser. Lorsque l’on voit que tout le monde s’y met, la machine est lancée. C’est la preuve par l’exemple. » Une trentaine d’ateliers gratuits ont déjà été organisés à Clichy et Montreuil, avec la communauté de « Est Ensemble ». Pour Wassim, « nous ne pouvons plus continuer sur l’ancien système. Il y a des gros pipelines qui brassent des millions et des millions. Et ça profite à quelques personnes, nous notre but c’est de faire des trous dans les pipelines pour arroser tout le monde, dans les quartiers, les campagnes… »
Faire circuler le savoir, les expériences, c’est une dynamique. Wassim « mène sa barque. » Cette année Upcycly se développe à Bruxelles, Berlin et Milan en restant dans une logique locale et globale.
Texte : Louise Mukashyaka