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On ne présente plus l’emblématique entrepreneur de la Seine-Saint-Denis. Nous sommes allés vérifier ses qualités de visionnaire sur l’un de ses sujets de prédilection : l’impact économique des JO 2024 sur le département de la Seine-Saint-Denis.

*Argot : L’organisation des JO de 2024 vient d’être attribuée à la France.  Quel impact espères-tu pour la Seine-Saint- Denis ?

Premièrement, des investissements pour mettre sur pied la préparation et l’organisation de l’événement.  Ensuite, j’espère qu’il y aura des créations d’emplois et une grosse diminution du taux de chômage, chez les jeunes plus particulièrement. Mais l’impact, on le voit : on a déjà tous le sourire.

Lors de l’Euro 2016, les entreprises du 93 n’ont pas tiré profit de l’organisation du Championnat. Comment expliques-tu cela ? 

L’Euro 2016 a été organisé exclusivement par l’UEFA et nous n’avons pas été impliqués dans l’organisation.  Au final, nous avons été réduits au rang de spectateurs. On a pris notre billet, on a assisté aux matchs, on a kiffé, mais rien de plus. Donc on s’est dit « Si les JO sont attribués à Paris, il faut se préparer à répondre présents. »

À l’horizon 2024, les investissements devraient être à hauteur de 6,6 milliards d’euros. Comment les entrepreneurs de Seine-Saint-Denis comptent s’y prendre pour ne pas louper le coche cette fois-ci ? 

Avant même l’attribution officielle à Paris, nous nous sommes organisés. Nous avons créé pas mal d’événements autour de l’économie et du sport : des tournois de foot, des courses à pied organisées avec l’agglomération Est-ensemble. On a en quelque sorte commencé à fédérer les entreprises en leur disant que nous aurions peut-être les JO.

Nous avons reçu l’équivalent de la CGPME (Confédération générale des petites et moyennes entreprises) au Brésil qui s’est occupé de la mise en place des JO là bas. Ils nous ont expliqué la façon dont ils ont procédé. Ils ont mis en lumière des points auxquels nous n’avions même pas pensé. Nous avons repris les éléments qui nous semblaient les plus pertinents pour pouvoir y réfléchir. Avec monsieur Dubrac, le responsable des entreprises de Plaine Commune, nous voulons mobiliser efficacement l’ensemble des entreprises de Seine-Saint-Denis. Il faut que les jeunes essayent de s’entourer de gens qui ont de l’expérience, créer des réseaux et des groupes. Ce qui va payer, c’est la solidarité. Il faut que les gens travaillent ensemble.

À l’échelle des organisateurs, quelles mesures faudrait-il prendre pour garantir une répartition équitable ? 

L’Etat aura un chéquier et son rôle sera de préparer les JO de manière à ne pas se foutre la honte devant le monde entier. C’est la manifestation sportive qui réunit le plus de nationalités différentes. L’Etat devra nous faire confiance. Notre rôle sera de lui apporter les informations et les compétences relatives à chaque entreprise afin qu’il puisse faire son choix.

Très impliqué à l’échelle locale, tu es notamment ambassadeur de « In Seine-Saint-Denis », un programme porté par le conseil départemental destiné à redorer le blason du 93. Pourquoi t’engager alors que tu pourrais te contenter de faire ton business ?

Je suis natif du département et j’aime mon territoire. Je veux pouvoir faire en sorte que des jeunes et moins jeunes se disent qu’il est possible de devenir entrepreneur. Dans mon business, je travaille avec mes copains d’enfance avec qui j’ai grandi ici. Quand Stéphane Troussel, le président du département m’a présenté son projet, j’ai tout de suite accroché. Le but est de réunir les énergies positives du département qu’elles soient culturelles, associatives, sportives ou économiques et créer un réseau d’entraide. On n’a pas tous fait de grandes études. Dans les grandes écoles, tu termines avec une promotion composée de personnes qui vont devenir tes copains toute ta vie. Au départ, personne n’a de réseau donc il faut le créer. « In Seine Saint-Denis » y participe. J’ai le souvenir d’une dame qui me disait que malgré le fait qu’elle ait entendu beaucoup de clichés sur le 93, qu’elle s’y sentait en réalité même mieux que chez elle.

Justement : dans quelle mesure ces clichés, bien souvent négatifs, ont un impact sur les activités locales ? 

L’image de la Seine-Saint-Denis, sur le plan économique, s’est beaucoup améliorée. Maintenant que nous avons le Stade de France, que nous bénéficions des aménagements du Grand Paris et bientôt des JO, tous les investisseurs courent dans le 93. Ça a mis 12, 13 ans pour que ça arrive, mais quand tu sais que la Seine-Saint-Denis à le foncier le moins cher de la région, que Paris est à côté, qu’il y a l’Aéroport de Roissy, le Stade de France, le choix est vite fait.

Que dirais-tu as un jeune qui a envie de se lancer dans l’entrepreneuriat ? 

Je lui conseillerais de choisir une branche qui lui plaise : le transport, l’agroalimentaire, le bâtiment ou autre chose et s’y mettre à fond. Qu’il ne cherche pas à gagner de l’argent tout de suite, car il faut du temps. Et pour finir, qu’il reste sérieux. Le plus dur c’est de se battre contre soi-même.

En préparant cette entrevue, nous avons appris qu’à une époque tu faisais du handball à un très bon niveau. Pourquoi la plupart des modèles de réussite issus des quartiers populaires sont mis en avant dans les médias via le sport ou la chanson mais pas via l’entrepreneuriat ?

Je pense juste que les femmes et les hommes d’affaires aiment la discrétion.

 

Propos recueillis par Abiola Obaonrin

Photos : João Bolan